La Poésie Française.fr
À la mémoire d’un ami
Ce jour verse un sang pâle au front du ciel en deuil,
Le soleil s’y consume en un dernier recueil ;
Un frère a fui la rive — et moi, l’âme sans port,
Je marche orphelin d’ombre, accablé par la mort.
Est-ce un songe égaré dans l’écho de l’absence,
Ou l’appel obsédant d’une froide évidence ?
Son souffle s’est éteint, mais sa clarté me mord,
Plus vive que l’éclat sur les flots d’un vieux port.
Son âme s’est levée dans l’aube la plus haute,
Là où l’éther fredonne une prière étroite ;
Et moi, je reste là, glacé par le chagrin,
Tandis qu’il vole en paix vers un ciel sans matin.
Il partit, les yeux clos d’une ardente prière,
Épousant le trépas d’une foi singulière ;
Et dans le sillage où son silence s’enfuit,
Luit un chapelet d’or plus doux que l’amour suit.
Je revois nos printemps, nos serments juvéniles,
Les soirs d’or suspendus aux lunes les plus viles ;
Et tout tremble en mon corps — la chair, l’ombre, le sang —
Quand je dis son regard, ou rappelle le temps.
Non, il n’est pas parti : son pas vit dans mes veines,
Son rire me poursuit dans mes heures lointaines ;
Et je nie la poussière et le silence amer,
Car tout ce qu’il fut luit, vivant, dans l’éther.
Il vécut dignement, d’un cœur juste et sincère,
Tel l’artisan discret, noble dans la lumière.
Sa vie fut un poème à l’encre sans éclat
Que nul verbe humain, hélas, ne comprendra.
Et maintenant, tandis que son nom me traverse,
Je dis : merci, en pleurs, sous l’averse qui berce —
Merci pour tant d’élan, d’humaine loyauté,
Pour cette ombre d’amour sur ma destinée.
Adieu, doux compagnon, Abdellatif si cher,
Que la tombe te soit lumière, calme et chair.
Je te rends à la nuit, à l’azur, au mystère,
Mais je garde ton feu dans mon souffle austère.
Repose en la clarté d’une aube sans frontière,
Et veille, s’il le peut, sur mon âme en prière ;
Car l’amitié survit, même après le trépas —
Et fait parler les morts… quand le monde se tait.